Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/344

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de pages immobiles, les bras en croix sur la poitrine et semblant attendre quelque chose.

— Seigneur, dit la princesse, reprenant le ton cérémonieux, tu es ici le maître, ordonne ; tes désirs seront pour nous des faveurs. Nous sommes tes esclaves, à toi et à tous ceux de ta suite. — Congédie ces gens-là avec un compliment, ajouta-t-elle à voix basse, sinon ils ne s’en iront jamais.

Dès qu’il fut seul, Naïk s’étant chargé de veiller à tout, Bussy retourna à la terrasse et, s’accoudant à la balustrade sculptée, se mit en observation.

La foule s’écoulait lentement, avec de joyeux murmures, hors des cours du palais, qu’elle avait envahies à la suite du cortège. Les femmes, plus curieuses, s’étaient avancées le plus loin, et se retiraient maintenant, un peu honteuses, en effeuillant leurs guirlandes.

Beaucoup avaient les joues couvertes du fard jaune, appelé gorotchana, que l’on trouve dans la tête des vaches ; elles s’enveloppaient gracieusement de leur sari de toile, de soie ou de mousseline, cette grande pièce d’étoffe, sans couture, qui s’enroule au corps, couvrant une épaule, serrant la taille, et dont quelquefois un pan sert de voile. À leurs oreilles, largement percées, étaient passés des rouleaux d’or ; les moukoutys de leur narine encadraient leur sourire, et quelquefois arrondissaient leurs cercles minces, ornés de perles, jusque sur leur poitrine ; des grelots tintaient à leurs chevilles et à leurs ceintures, et toutes avaient les lèvres empourprées par le bétel et le front marqué d’un signe, indiquant la secte reli-