Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/347

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terrasse qu’il regardait disparut dans un nuage de colombes.

Ce nuage s’écarta. Ourvaci parut, tout enveloppée d’un voile d’or.

Le jeune homme eut un cri de joie, toute son âme s’élança vers elle : cette présence, toujours, était pour lui comme une formule magique, rompant subitement l’équilibre de la vie, la faisant courir à flots, battre des journées dans l’espace de minutes.

La reine s’avança du côté du jeune homme, jusqu’au bord de la terrasse et parut le regarder ; il porta à ses lèvres les opales du collier qui lui venait d’elle ; alors elle éleva la coupe pleine qu’elle portait, la tendit vers lui, et versa pour l’ambassadeur, la libation destinée au soleil.

Les colombes rassurées étaient revenues, elles formaient comme un cordon de perles le long de la balustrade. Dans un angle se tenait un groupe de femmes portant des écrans de plumes et des instruments de musique.

Ourvaci se recula, repoussa son voile ; les harpes se mirent à vibrer, et, d’une voix délicieusement pure et sonore, elle chanta un hymne. La nature sembla se recueillir, apaiser tous ses bruits pour mieux l’entendre.

Ce qu’elle chantait ce n’était pas la prière accoutumée, l’adieu au soleil couchant ; elle avait choisi une ode du Harivansa, celle où Bhavati, fiancée au fils de Krichna, soupire après le bien-aimé.

Le marquis, penché vers elle, buvait ses paroles, éperdu de ce qu’il entendait.