Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/353

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enfermée dans un coffret, le prince, en sa qualité de fiancé, l’ayant voulue secrète.

Il s’approcha, pénétré d’une émotion religieuse, et se croyant vraiment sur les marches d’un autel, pour adorer une divinité.

Au lieu de son front, ce fut sa bouche qui effleura, presque malgré lui, ce joli pied nu, orné de bagues, au talon empourpré par le jus du mendhi, et sur lequel se croisait une chaînette d’or.

Ourvaci eut un tressaillement et dit d’une voix chancelante :

— Victoire à l’ambassadeur ! bonheur à l’hôte sacré qu’abrite notre toit ! Qu’il y demeure de longs jours, et puisse le palais lui sembler digne de lui !

Bussy la regardait. Tout près d’elle, respirant ses parfums, il lui semblait vraiment qu’ils étaient seuls, comme, au fond du sanctuaire, le prêtre avec son dieu ; et, perdu dans une extase, il oublia toute cette foule, l’ambassade, le cérémonial, et le monde entier.

Inquiets, les hadjibs s’agitaient, croyant que le jeune étranger ne retrouvait plus le compliment appris par cœur. Lila aussi s’effrayait, mais elle était trop loin pour pouvoir avertir son ami. La reine, qui s’oubliait comme lui, revint subitement au sentiment du danger, et dit sans presque remuer les lèvres :

— Parle, seigneur, ne te trahis pas.

D’un violent effort il redevint maître de lui, reprit sa dignité froide. Et sa voix ferme et claire emplit la salle :

— Parure du Monde ! puissante reine, je baise le sol