Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/355

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de pierreries, gonfla sa poitrine et elle déroula la lettre.

Aussitôt la musique, sourdement, joua, pour emplir le vide du silence, et les bayadères, déployant leurs écharpes, ébauchèrent une danse lente et gracieuse.

Bussy fut surpris du trouble qui s’emparait de la reine tandis qu’elle lisait. Il n’était sensible que pour lui peut-être, car elle gardait en apparence son impassibilité de déesse, mais il voyait ses longs cils palpiter, son souffle soulever plus rapidement son sein et une légère teinte rose monter sous sa pâleur chaude. Elle lut la lettre d’un seul trait, puis la relut, et, sans soulever tout à fait ses paupières, assombries d’antimoine, glissa vers l’ambassadeur un regard si rayonnant qu’il lui fît l’effet d’un coup de soleil entre deux nuages.

Elle appela d’un signe une de ses femmes qui reçut de ses mains le message royal et le donna à un page, en lui transmettant l’ordre de la reine. Le page s’approcha de Bussy et, s’agenouillant, lui remit la lettre.

— La reine désire que tu lises, pour toi seul, dit-il.

Le jeune homme prit l’écrit et s’aperçut qu’il était tout entier de la main du roi. Pourquoi devait-il le lire ? Une violente émotion l’oppressait, des flammes lui semblaient danser sur des lignes et, malgré son impatience de savoir, il dut fermer les yeux un instant pour retrouver sa lucidité.

Le message était ainsi :

« Allah est le victorieux !