Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/356

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« Au Diadème du Monde ! À la très grande, très illustre, très brave et très heureuse reine de Bangalore Pryavata Devayani Ourvaci de la divine et très glorieuse dynastie Lunaire ; Sayet Mahomet-Khan Assef daoula, Bâhâdour Salabet-Cingh, le roi du Dekan.

« Que Dieu tout-puissant te conserve en parfaite santé.

« Ô reine ! toi qu’on dit si resplendissante que, quand tu parais, les étoiles affolées abandonnent l’astre nocturne pour te faire cortège, je touche tes pieds de mon front et je me proclame ton esclave.

« Allah, dans sa bonté, a permis que j’apprenne, par la voix de mon grand vizir, qui fut le tien, le très vénérable Rugoonat Dat Pandit, que la liberté dont tu jouis dans ton royaume de Bangalore t’est plus précieuse que la vie, que le mariage te semblerait une lourde chaîne, et le harem une odieuse prison. En me révélant tes sentiments, le vizir a accompli une action louable, évité un malheur et mérité ma gratitude.

« Sache, toi la première parmi les reines, que mon plus cher désir est ton bonheur et que, pour pouvoir, sans mourir, lui sacrifier le mien, j’ai évité de te voir, de laisser fuir ma raison par mes yeux, à l’aspect de ta beauté. Je puis donc te dire aujourd’hui que tu es libre, que ta volonté m’est plus sacrée que les promesses échangées pour nous, quand nous étions encore de faibles oiseaux, gazouillant au bord du nid.

« Je ne veux pas me glorifier de mon sacrifice et l’exalter à tes yeux ; bien que jeune et sans expé-