Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/360

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— Laisse-les, ils sont doux, quelquefois, mais le plus souvent perfides. S’ils allaient reconnaître le meurtrier de leur mère, et la venger !

— Tu ne veux donc plus ma mort ?

— Ah ! ne m’accable pas, dit-elle, d’une voix tremblante, toi à qui je dois maintenant plus que la vie. Va, bientôt nous nous reverrons.

Quand il eut regagné son palais, avide maintenant de solitude, Bussy ordonna à Naïk d’éloigner tout le monde, de défendre l’entrée à tous ceux qui ne seraient pas des envoyés de la reine, et il se mit à marcher dans la chambre, avec une fébrile agitation, qui inquiéta le paria, puis finit par s’aller jeter sur un divan.

— Souffres-tu, maître ? dit Naïk en s’approchant.

— Oh non ! s’écria le marquis, mais il m’est impossible de dominer mes nerfs et je ne peux retenir mes larmes. Pardieu, c’est la première fois qu’il m’arrive de pleurer de joie ! Elle est libre ! Naïk, la générosité du soubab me délivre de l’affreux cauchemar qui pesait sur ma poitrine. Je n’ai plus personne à haïr, et dans mon âme qui déborde d’amour, il ne reste qu’une ombre : le regret d’avoir méconnu le cœur du roi.

— Que tous les dieux soient loués ! s’écria Naïk en baisant la main de son maître, j’avais comme un pressentiment de ce qui arrive et je m’empêchais d’en parler, de peur de nourrir un espoir décevant. Rugoonat-Dat ne pouvait manquer d’avertir le roi, du mal qu’il allait te faire, sans le savoir ; il est trop sage et trop bon pour ne pas avoir désiré te servir,