Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/361

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tout en servant aussi la reine, qui fut son élève et dont il connaissait les répugnances. Mais je t’en conjure, maître, cache ta joie maintenant, bien des reptiles sont encore à craindre ici, qui traîtreusement et sournoisement pourraient te nuire.

— Que puis-je donc craindre, protégé par la reine ?

— Redoute les brahmanes, dit Naïk, ils ont la prétention de régner sur les rois, et, si l’amour a su triompher des préventions de la souveraine, ils n’ont rien abjuré de leurs préjugés, et toujours, pour eux, tu es le barbare, dont l’approche est une souillure. La crainte seule qu’ils ont des Mogols retient leur haine.

— Que m’importent ces blêmes fanatiques ? s’écria Bussy. Elle est libre, elle m’aime ! Le reste du monde est moins pour moi qu’une bulle de savon.

Les ghérialis, qui frappent l’heure sur des bassins d’airain, venaient d’annoncer le troisième pahar du jour, et l’on entendait la voix des poètes, chanter que la brise déjà commençait à rafraîchir l’air brûlant, lorsque la reine fit inviter l’ambassadeur à venir la retrouver dans les jardins, s’il préférait sa compagnie au spectacle d’un combat d’éléphants, de tigres et de rhinocéros, qui avait lieu pour divertir les hôtes du palais.

Il la rejoignit, sous l’ombre fraîche d’une allée d’emblis, où elle se promenait lentement, au milieu de ses femmes et de sa cour, ce jour-là composée surtout de musulmans.

Bussy remarqua que la reine était vêtue comme le soir de leur rencontre dans l’île du Silence ; une cou-