Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/365

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Le chemin aboutissait à un embarcadère, descendant vers une jolie rivière. Un bateau magnifique était rangé le long des marches, avec ses quarante rameurs, debout, appuyés sur leur rame oblongue. L’embarcation, ornée d’émaux, avait la forme d’un grand serpent étendu sur l’eau, qui se redressait pour former la proue et devenait un paon aux ailes éployées. Une plate-forme, bordée d’une balustrade et protégée du soleil par une légère toiture, élargissait l’avant. La reine s’y installa avec Lila, l’ambassadeur et quelques personnes de sa suite, parmi lesquelles Abou-al-Hassan.

Aussitôt, comme si le paon eût pris son vol entraînant l’embarcation, elle fila sur l’eau avec une extrême vitesse, qui créa pour ceux qu’elle emportait, la plus délicieuse brise.

À l’arrière, un jeune danseur déploya une bannière, et, l’agitant au-dessus de sa tête, rythma les efforts des rameurs, par ses mouvements silencieux. De nombreuses embarcations, moins grandes, avaient reçu toute la suite de la reine, et elles glissaient à droite et à gauche, joyeusement, approchant du bateau royal, mais ne le dépassant jamais. Quelques-uns portaient des musiciens et des chanteuses, qui se mirent à improviser des louanges en l’honneur de la reine et de son hôte.

Ourvaci accoudée à des coussins, presque couchée, dans une pose d’une souplesse exquise, doucement alanguie, feignait d’écouter les musiques, en jouant nonchalamment avec le lotus. Ses regards allaient vers Bussy et parfois semblaient le supplier de mieux