Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femme lui semblent trop frivoles, il ne m’écoute pas !

— Pour qu’il écoute, il faut l’aveugler, dit Lila.

Et d’un mouvement mutin, elle fit voler le bout de son écharpe devant les yeux du jeune homme.

— Je suis tellement coupable, dit-il, que je n’essaye nulle excuse, et c’est sans la mériter que j’attends ma grâce. Je ressemble à un larron qui veut emporter trop de richesses, et en laisse tomber la moitié.

Lentement, ils marchaient sous l’allée ombreuse, elle se terminait par une baie ensoleillée qu’ils atteignirent.

Là, des esclaves attendaient, munis de parasols, d’écrans et d’éventails, pour protéger les nobles promeneurs, tandis qu’ils traversaient les endroits découverts.

C’était là que des milliers de lotus s’épanouissaient, cachant sous leur profusion l’eau où ils prenaient racine.

Il y en avait de pourpres comme du sang et de roses comme l’aurore, des blancs, des jaunes d’or, des vert pâle, des noirs, se mêlant dans un désordre harmonieux, comme celui des plus beaux tapis.

— Ceux-ci sont des lotus de la lune, dit Ourvaci, en désignant un groupe dont les corolles étaient fermées, ils ne s’ouvrent qu’à la nuit.

— Et voici la fleur préférée, dit Lila, en se penchant pour cueillir un magnifique lotus bleu qu’elle offrit à la reine. Elle le prit en jetant un regard furtif vers les yeux de Bussy, comme pour comparer les pétales de la fleur aux prunelles de l’étranger.