Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/373

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Le marquis s’éveilla en souriant et se hâta de s’habiller.

Il faisait jour, quand les fanfares sonnèrent au sommet des tours et que la reine parut à cheval, dans son charmant costume de guerrier, sous le portique de la dernière cour.

Bussy s’avançait vers elle, tête nue, en retenant sa monture avec grâce. Ils échangèrent un salut cérémonieux, mais en même temps leurs regards se joignirent, dans un éclair aussitôt éteint.

Quelle était ravissante, dans cette nouvelle parure d’un charme si étrange, sous le léger casque surmonté d’un oiseau radieux, avec la tunique d’or et de soie, moulant délicieusement son torse, et que traversait la bandoulière de pierreries, retenant le carquois !

Lila, et deux pages tenant des corbeilles vides, accompagnaient la reine ; Bussy avait avec lui Arslan-Khan. Un détachement d’archers hindous et de mousquetaires français devait les suivre à distance.

Ils traversèrent, au pas, la ville qui s’éveillait. Les habitants, en grand nombre, descendaient les escaliers de la rivière pour aller faire leurs ablutions matinales, et l’on voyait les femmes dénouer leurs longues chevelures. On ouvrait les bazars, et déjà des religieux mendiants les parcouraient, pour récolter les aumônes, tandis que les taureaux des brahmanes, magnifiques bêtes qui portaient, empreint sur la hanche, l’emblème de Siva, se promenaient lentement, ou pillaient l’étalage d’un marchand de grains, sans que celui-ci se permît de les chasser, ni même de donner la moindre marque de mécontentement.