Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme, elle le voulait mort, quand elle le haïssait ; l’aimant, elle le fera roi.

— Mais les pierres des palais tomberaient d’elles-mêmes pour le lapider !

— Calme-toi, ma fille, dit le brahmane, continue d’observer, et sois sûre que nous triompherons ; n’oublie pas que les dieux ne peuvent jamais être vaincus.

Le soir, des cordons de lampes s’enroulèrent comme des colliers autour des édifices. Dans le palais, cinq mille déotis — esclaves porte-lumières — en haie sur les escaliers, dans les cours, au bord des bassins, formèrent l’illumination. Des pièces d’artifice éclatèrent sur tous les points de la ville, et on lança sur la rivière d’innombrables radeaux chargés de flammes de diverses couleurs. Le courant emportant ces radeaux, qui se renouvelaient sans cesse, roulait un véritable fleuve de feu et de pierreries. Seules, les pagodes restèrent sombres et muettes.

La reine avait proposé à Bussy de faire avec elle, le lendemain, une promenade, pendant les heures matinales et fraîches, jusqu’à ce territoire tant regretté qui, grâce à lui, redevenait son bien. On partirait à cheval, pour revenir sur les éléphants, envoyés la veille, à la halte.

À l’heure où les étoiles commençaient à pâlir, un vétalika s’approcha de la chambre de Bussy, fit courir ses doigts sur la harpe aux cordes d’or et chanta, pour faire fuir le sommeil : que la lumière, comme la gloire précède un héros, allait se répandre dans le ciel, annonçant la venue du soleil.