Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, dit-elle ; autrefois, c’eût été une panthère ou un tigre, mais aujourd’hui le sang m’épouvante, je ne chasse plus que des fleurs.

La flèche partit et une fleur coupée par la tige tomba du haut d’une liane. Un des pages descendit de cheval, la ramassa. D’autres victimes suivirent ; ce fut comme une pluie, et les corbeilles s’emplissaient.

Quelquefois la fleur, atteinte en plein cœur, s’effeuillait.

— Ah, maladroite ! s’écriait la reine, je l’ai tuée !

Le marquis la contemplait dans une fièvre d’admiration, chacun des mouvements qu’elle faisait lui révélait une splendeur nouvelle, et lui était aussi doux et enivrant qu’une caresse. Elle se courbait en arrière pour mieux viser, se penchait de côté, abaissait ses longs sourcils sur ses yeux attentifs, déployait ses bras, puis les laissait retomber en souriant, quand la flèche était lancée. Son cheval arabe, couleur fleur de pêcher, obéissait à une légère pression du genou, à un mot dit à voix basse.

— Eh bien ! s’écria la reine, paresseux, tu ne m’imites pas ?

— Je n’ai pas d’arc, dit Bussy.

La princesse Lila lui tendit le sien.

— Je suis si peu habile, dit-elle, que je n’ose en user, de peur de blesser les oiseaux.

— Jamais je ne me suis servi de cette arme !

— Voyez quel orgueil ! s’écria la reine en riant, ce héros n’ose pas risquer d’être vaincu.

Bussy prit vivement l’arc et les flèches que lui tendait Lila, puis lança son cheval en avant, cherchant