Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/376

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des yeux une fleur à viser, et Ourvaci, curieuse, le rejoignit, laissant la princesse un peu en arrière avec Arslan-Khan.

Lila, songeuse, les suivait du regard : tous deux si beaux, si pleins de jeunesse et d’amour, réunis enfin !

— Qui aurait pu prévoir, dit-elle à l’umara, que nous verrions un jour ces mortels ennemis courir l’un près de l’autre, dans un aussi doux accord, en s’occupant de fleurs avec des joies d’enfant ?

— Tu te souviens comme moi d’une autre matinée, n’est-ce pas, princesse ? dit Arslan, celle où, près de Méliapore, nous avons assisté à la première bataille des Français contre les Mogols, et où je suis descendu vers la ville pour m’informer si l’homme que nous haïssions était parmi les combattants.

— Oui, dit Lila, j’y songeais, en nous voyant réunis aujourd’hui, auprès de ce même homme, dont la vie nous est devenue si chère.

— Certes, dit le musulman, aujourd’hui je l’aime et je l’admire et tout mon sang lui appartient.

— Si tu l’aimes ainsi, veille bien sur lui, je t’en conjure, dit la princesse avec un regard assombri. Puisque tu es maintenant attaché à sa maison, tu ne le quittes guère : eh bien, défie-toi de tout ; la trahison et le meurtre le menacent encore, car la reine n’aura, je le crains bien, ni l’énergie, ni le pouvoir peut-être, de les prévenir par un acte violent d’autorité.

— Le danger, c’est cet infâme ministre, n’est-ce pas ? s’écria Arslan transporté d’indignation, ce monstre à face verte et hideuse qui ne respire que la cupidité, l’ambition et l’envie, ce scorpion, ce serpent