Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/379

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— C’est vraiment une âme d’élite, pensa la reine au moment où Lila et Arslan les rejoignaient, il veut tout tenir de moi-même et ne demandera rien.

— Eh bien, s’écria la princesse, le Lion des Lions a-t-il enfin la surprise d’une défaite ?

— Il ne pouvait être vaincu, dit Ourvaci, celui qui a triomphé d’adversaires tels que nous : partis pour le combattre, nous sommes revenus, tous trois, chargés de liens de fleurs.

— Moi, j’ai déposé les armes à la seule vue du héros, dit Lila ; j’ai tendu mon cœur à la chaîne, sans avoir livré bataille.

Bussy prit la main de Lila et la baisa :

— Cette chaîne-là m’a fait ton frère véritable, dit-il, et m’attache à toi, plus encore qu’elle ne te lie.

— C’est vrai, Lila seule n’a aucun tort à se faire pardonner, dit Ourvaci ; mais qui sait ? la haine n’est peut-être qu’un élan pris pour mieux aimer. Mais nous nous oublions, ajouta-t-elle, en détournant les yeux pour fuir le charme du regard plein de passion par lequel il la remercia, mon royaume est petit et nous sommes capables cependant de ne jamais parvenir jusqu’à ses limites.

On mit les chevaux au galop, et bientôt, quittant l’abri des arbres, on s’élança, par une route étroite, à travers un champ de roses.

C’était une culture régulière, tous les buissons, parfaitement alignés, étaient taillés de hauteurs égales, et à perte de vue s’étendait comme un tapis pourpre. Des femmes, vêtues de saris blancs, dont un pan leur servait de voile, apparaissaient de loin