Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/385

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Pour laisser passer les heures accablantes de l’après-midi, avant de retourner à la ville, on s’étendit sur des coussins, à la place la plus ombreuse, et, tandis que les esclaves rafraîchissaient l’air en agitant des écrans, on apporta les corbeilles, pleines des fleurs cueillies à coups de flèches.

— Voici encore un motif de raillerie, dit la reine en renversant l’odorante moisson sur le tapis ; l’occupation favorite des Hindous est de former des guirlandes, n’est-ce pas bien frivole ?

— Quand j’ai quitté Versailles, dit le marquis, le roi de France et toute la cour pour lui complaire faisaient de la tapisserie. N’est-il pas bien plus charmant ce passe-temps qui consiste à entrelacer des fleurs ?

— Tu acceptes la lutte cette fois encore ?

— Je m’offre courageusement à vos sarcasmes, dit-il en attirant à lui une branche.

Lila jeta, en riant, à Bussy le fil d’or pour lier les tiges.

Et il entreprit gaiement ce travail inconnu, qu’interrompirent souvent de doux regards et des sourires, et où des maladresses, réparées par la reine, lui donnaient la joie de pouvoir effleurer des doigts légers, entre les piquantes épines. Et ces heures-là furent exquises ; dans cette paisible et endormante nature, elles apaisèrent leurs âmes, leur donnèrent l’illusion d’un bonheur à l’abri de toute atteinte, sûr de son éternité.

Au retour, un cortège imposant les accompagnait.

Erâvata, portant la reine et la princesse, marchait de front avec Ganésa, sur lequel était Bussy avec Arslan-Khan. L’éléphant d’Ourvaci avait au cou la