Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/407

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— Nous sommes ici trois qui donnerions avec joie notre vie pour le sauver, s’écria Arslan, qui se tordait les bras, et nous ne pouvons rien.

Bussy sommeillait de nouveau ; ses fidèles amis se turent et demeurèrent immobiles, anéantis dans cette attente atroce d’un malheur inévitable.

L’heure passa et la journée, dont la clarté finit brusquement dans un de ces orages subits et terribles, fréquents dans l’Inde. La mer se mit à rugir, le ciel s’embrasa, le vent, la pluie, le tonnerre assaillirent la maison qui semblait vouloir s’écrouler.

Ceux qui veillaient, absorbés dans leur douleur, s’en inquiétèrent à peine. Le médecin, réveillé, était revenu dans la chambre du malade et avait fait assujettir les fenêtres et fermer la porte.

Vers le milieu de l’ouragan, Bussy se souleva sur son lit, le visage contracté, crispant ses mains sur sa poitrine comme si un poids l’étouffait ; puis, après un profond soupir, il retomba en arrière, sans souffle.

— C’est la fin ! dit le médecin.

À ce moment, un tourbillon de vent entra dans la chambre, affolant les lumières ; la porte s’était ouverte et une voix cria :

— Toute fin est un commencement !

Arslan se précipita comme en délire, pour baiser ses genoux, aux pieds de l’être extraordinaire qui venait d’entrer.

— Allah m’exauce, s’écriait-il, il a fait un miracle.

Le nouveau venu, d’une maigreur fantastique, avait des yeux scintillants comme des étoiles sous sa