Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/410

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— Eh bien, à quoi songes-tu ? dit-il au médecin qui le regardait d’un air un peu effrayé.

— Serais-tu sorcier ?

— Peut-être ! As-tu donc peur des sorciers ? Va, frotte ; ou, si tu es las, donne ta place à un autre.

Le médecin se remit à frictionner, tandis que Sata-Nanda soufflait légèrement sur le front du malade.

Tout à coup celui-ci ouvrit les yeux, se dressa d’un air irrité en criant :

— Finirez-vous bientôt de m’écorcher vif ?

— Il sent le mal, il est sauvé ! s’écria le fakir, qui se mit à exécuter les plus extraordinaires gambades.

Bussy le regardait dans une indicible stupeur, sans manifester de crainte cependant ; puis il se laissa retomber avec accablement, mais d’un mouvement souple et vivant.

— Apportez-moi tout ce que vous avez d’étoffes de laine, dit le fakir qui reprit son sérieux.

Il enveloppa soigneusement le jeune homme et lui ordonna de dormir :

— Repose-toi bien et longtemps ; après cela, je réponds de toi.

Bussy ferma les yeux, et, lui qui depuis tant de jours restait étendu sur le dos, se tourna sur le côté pour dormir.

Pour être moins étrange dans ses manifestations, la joie de ceux qui tout à l’heure touchaient le fond du désespoir, n’en était pas moins violente.

— Eh bien, si vous êtes contents, donnez-moi à manger, dit le fakir en s’asseyant sur le plancher, le menton entre ses genoux ; voilà trois jours que je