Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/411

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galope sans avoir avalé autre chose que quelques dattes, saisies au vol en passant sous les arbres.

Naïk sortit en courant pour faire préparer un repas. Le médecin s’assit à côté de Sata-Nanda.

— Allah est grand, dit-il ; ce que je viens de voir m’émerveille. Vends-moi ton secret, je payerai le prix que tu voudras.

— Te le vendre ! pourquoi faire ? Je te le donnerai bien volontiers, et je t’expliquerai comment le poison que j’ai combattu ne s’attaque qu’aux nerfs et a beaucoup de ressemblance, dans ses effets, avec la rage ; mais tout cela plus tard, quand j’aurai mangé et dormi.

— Je m’incline devant ta science et ta générosité, dit le médecin ; tu es vraiment au-dessus des hommes.

L’orage avait cessé, la mer seule grondait encore. Tous, accablés de fatigue, s’endormirent bientôt, excepté Naïk qui, accroupi au pied du lit, regardait, avec une joie muette, son maître dormir d’un sommeil presque calme.

Le fakir s’éveilla dès que le jour parut, étira ses longs membres de sauterelle, et alla relever un store pour laisser entrer du jour. Il vit alors, aplati sur le sol du jardin, les pattes raides, le cou allongé, l’œil vitreux, le chameau qui l’avait amené.

— Pauvre bête, murmura-t-il, je t’ai sacrifiée, mais ta vie sauve celle d’un homme.

Il s’approcha du marquis toujours endormi et le contempla avec émotion :

— Si jeune, si fort, si sain, la mort le prenait, si je