Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/434

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du roi, quand le soir de son arrivée elle versa, en son honneur, la libation destinée au soleil.

Le soleil se vengea maintenant de l’impiété, en dissipant l’illusion sous un flot de lumière.

Ourvaci cacha ses yeux sous sa main, pour mieux voir sa rêverie.

— Hélas ! se peut-il vraiment qu’il ne m’aime plus ! se disait-elle. Cet amour que l’éternité semblait ne pas devoir épuiser, a donc tari subitement ? Ah ! pourtant, il me semble toujours sentir, à travers l’espace, les effluves brûlants de son cœur répondre aux élans du mien. Peut-être il souffre comme moi, captif de sa volonté orgueilleuse ; peut-être il m’aime encore ! Ah ! non ! non ! que cette pensée ne vienne pas effleurer mon esprit ! Comment pourrais-je mourir si je croyais n’avoir pas tout perdu ? Non, non ! j’ai mérité mon sort : mes premiers crimes ont rendu évident celui que je n’ai pas commis, et le bien-aimé a violemment arraché son amour, en se déchirant le cœur sans doute, mais il l’a arraché, jeté loin de lui avec mépris. C’est bien fini, il s’est enfin lassé de pardonner ; la gloire était au héros plus chère que l’amour. C’est bien cruellement qu’il s’est vengé des souffrances que lui a fait endurer ma folie d’autrefois : quand ma vie tout entière était suspendue à la sienne, il a cru à ma haine, et il m’a repris son amour pour le donner à une autre. C’est cela surtout qui est intolérable. Pour une autre, maintenant, s’ouvriront les fleurs de ses prunelles ; ce regard dominateur et tendre caressera la beauté d’une autre ! Et c’est à elle que ces lèvres délicieuses souriront. Quoi ! ces lèvres, dont le baiser