Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/441

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— Cela t’empêcherait de voir l’apparition, dit-il à voix basse.

Elle lui jeta un regard reconnaissant et s’élança sur le bûcher.

Alors, les esclaves, abaissant leurs torches, y mirent le feu.

Les instruments de musique déchaînèrent un tumulte formidable, pour couvrir les cris possibles de la victime, et les brahmanes, extasiés, entonnèrent un chant triomphal, tandis qu’une fumée odorante floconnait en se roulant sur le sol.

Ourvaci apparaissait au sommet du bûcher, comme sur un piédestal ; illuminée par les rayons du soleil, qui semblait se concentrer sur elle, sa beauté prenait une splendeur surnaturelle, et elle n’avait plus l’air déjà d’appartenir à la terre.

Transportée d’enthousiasme, elle attendait passionnément la récompense promise, l’illusion dernière qui devait lui rendre la mort si douce. Mieux que n’aurait pu le faire le breuvage, la promesse du fakir avait endormi en elle l’angoisse.

— Hâte-toi, bien-aimé, hâte-toi ! sinon il sera trop tard, murmurait-elle.

Tout à coup elle s’écria :

— Il vient, il vient ! j’ai aperçu l’éclair de son épée, la blancheur neigeuse de son front ; et l’or de sa coiffure a jeté une lueur…

Un voile de fumée monta brusquement, l’enfermant et l’aveuglant ; elle s’efforçait avec ses bras de le déchirer, de l’écarter.

Des cris frénétiques de triomphe et de joie poussés