Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/47

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le seuil sacré. Tirou-Valouver « le divin » y pensait, lui, et sa sœur, effrayée, sans le détourner de son projet, lui en faisait retarder l’exécution. « Apprends encore, disait-elle, on sera pour toi doublement sévère. » Il se décida pourtant ; un matin il sortit du bois où il vivait, gagna Madura, et d’un pas assuré s’enfonça sous les portiques du temple de la science. Les examinateurs l’accueillirent froidement et lui demandèrent avec sévérité d’où il venait et qui il était. « Je suis un paria, répondit-il, mais les dieux m’ont doué d’une intelligence qui m’élève au premier rang parmi ses créatures. Je ne suis pas fait pour rester captif dans les liens où de stupides préjugés retiennent l’esprit des hommes, pour les dégrader et les asservir ; j’ai conscience de ma dignité et je sens que j’ai le droit de prendre place parmi les savants et les sages. » — Il fut admis à subir les examens. Mais, désireux d’exclure le paria de leur corporation, les examinateurs le soumirent pendant quarante jours aux interrogations les plus minutieuses. Il était invulnérable ; non seulement il répondait aux questions, mais il les montrait sous un autre jour, faisait entrevoir des points de vue nouveaux. Les juges se surprirent à l’écouter avec un intérêt mêlé d’admiration. L’examen devenait pour eux un enseignement, et ils finirent par confesser que le nouveau venu les surpassait en savoir. Le paria fut admis à l’unanimité, et, un an plus tard, devenu l’honneur du corps dont il faisait partie, il fut élevé à la dignité de président et conserva ce poste le reste de sa vie. Voilà, seigneur, l’histoire de Tirou-Valouver, le paria. Son