Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/48

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livre de morale, que je relis sans cesse, a fait de moi un homme, mais aussi il m’a dévoilé toute ma misère.

— Songe plutôt, Naïk, à l’exemple qu’il te donne de la façon dont on peut sortir de cette misère.

— Je n’ai pas son génie, maître, et jamais jusqu’à présent le plus léger espoir n’avait lui sur ma triste existence ; mais aujourd’hui je ne suis plus misérable : grâce à toi, j’ai pu rompre le silence où mon esprit se mourait, le bonheur de t’avoir rencontré me sauve.

— Allons, je suis heureux de t’avoir, sans m’en douter, tiré de peine, dit Bussy ; mais tu me fais oublier le temps, et voici le jour qui nous invite au départ.

Naïk courut dehors et annonça au marquis qu’on amenait son cheval tout sellé :

— En route donc, dit le jeune homme en se levant, mettons fin à cette hospitalité si singulière que je n’ai à prendre congé de personne en m’éloignant !

Le paria lui boucla son épée, qu’on lui avait rendue la veille, lui passa les pistolets à la ceinture et rajusta l’écharpe qui soutenait le bras blessé, encore faible.

Bussy s’approcha de son cheval, qu’un noir tenait par la bride ; mais au moment de se mettre en selle, il s’arrêta, très surpris de voir s’avancer, à la suite du cheval, une file de chameaux chargés de bagages ; chacun d’eux était conduit par un esclave, et en tête de la file marchait un gros homme, à l’aspect vulgaire, qui portait un coffret.

— Qu’est-ce que tout cela ? s’écria Bussy.

— Les présents de la reine, répondit le nouveau