Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/49

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venu ; les chameaux sont chargés d’étoffes précieuses, d’armes et de bijoux. Les bêtes et les esclaves t’appartiennent aussi ; mais ceci est plus précieux.

En même temps, il soulevait le couvercle du coffret, qui laissa échapper un scintillement de pierreries.

— Cependant, continua-t-il, si tu ne te trouves pas suffisamment payé, tu peux fixer toi-même…

Mais il n’eut pas le loisir d’achever. Bussy, rouge de colère, se précipita vers lui et le saisit à la gorge.

— Payé ! Tu as osé proférer une pareille injure ? s’écria-t-il. Mais ce sera là ta dernière parole, et tu la payeras de ta vie !

Cependant, devant la face terrifiée, suppliante et grotesque du malheureux Hindou, le marquis eut un haussement d’épaules ; d’un mouvement violent il repoussa le pauvre diable et l’envoya rouler, à quelques pas, au milieu de l’éclaboussement des pierreries dispersées.

— Tu as tort, mon fils, de punir un serviteur qui n’est qu’un instrument d’obéissance, dit une voix.

Bussy se retourna, et il vit le brahmane Rugoonat Dat qui se frayait un chemin à travers la cohue des chameaux et des esclaves effrayés.

— Pardieu ! je suis aise de vous voir, mon père ! dit-il, d’une voix que la colère faisait trembler. Vous qui, sans le connaître, jugez mon pays barbare, vous m’expliquerez peut-être pourquoi dans le vôtre on remercie d’un service par une insulte, et l’on congédie un hôte en le payant comme un valet.

— Il y a dans ceci un mystère qu’il ne m’est pas