Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/65

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enfin. Vous venez m’insulter, me provoquer, discuter mon autorité ; eh bien, soit : la guerre ! battons-nous, nous verrons qui a raison.

Et par moments sa parole s’embarrassait, parce que ses dents étaient ébranlées par le scorbut, qu’il avait contracté dans ses héroïques navigations.

Tout à coup il tira son épée et s’écria :

— À moi mes officiers !

Et se tournant vers les députés :

— Mettez-vous d’un côté avec les vôtres, messieurs, et moi de l’autre à la tête des miens. À moi, mes officiers, à moi !

Un murmure d’indignation s’éleva de l’assemblée et fit comprendre à La Bourdonnais qu’il était allé trop loin. Il eut un moment de vertige, et la vision lui apparut, de la Bastille et de cet échafaud, dont il parlait tout à l’heure sans y croire. Mais il reprit vite possession de lui-même ; son esprit fertile en ruses n’était pas à bout de ressources.

— Messieurs, dit-il, accordez-moi quelques minutes ; je vais réunir mon conseil de guerre et prendre son avis. Je vous promets de m’y conformer.

Les députés gardèrent un silence que La Bourdonnais feignit de prendre pour un acquiescement, et il passa dans une pièce voisine.

Il rentra peu d’instants après, tenant à la main un papier qu’il tendit au greffier.

Le greffier en donna lecture :

Monsieur de La Bourdonnais au conseil de guerre assemblé :

« Messieurs, vous venez d’entendre les protestations