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V

LES CINQ FLÈCHES DE L’AMOUR

   Ah ! terre et ciel ! voyez ce que nous sommes !
Les champs qui produisent pour nous le riz et les légumes,
    où sont-ils ?
  Pas une tige de sorgho, pas un brin d’herbe, pas un
    pétale de rose qui nous appartiennent !
  Où sont les sources pures où notre soif peut s’étancher ?
  L’eau qui tombe des abreuvoirs dans les pas des bestiaux,
    c’est là notre breuvage !
  Ah ! terre et ciel ! voyez ce que nous sommes !


Le chant montait, de la place solitaire brûlée par le soleil de midi.

C’était l’heure accablée de la sieste ; tous les stores étaient baissés devant les fenêtres, un grand silence endormait la ville et, par-dessus les remparts de Madras, la mer, très calme, étincelait.

Bussy était étendu sur un canapé de jonc, dans sa chambre, obscurcie par l’épaisseur des stores. À peine enveloppé d’un léger vêtement de toile fine, et malgré le mouvement rapide du panka, qui agitait