Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/88

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mer les catimarons, ces sortes de radeaux composés de trois pièces de bois et qu’un seul homme fait manœuvrer à l’aide d’une pagaie. Ils s’en allaient à la découverte sur les flots encore agités, paraissaient et disparaissaient dans les creux et sur les crêtes.

D’énormes épaves s’échouaient sur le sable ; des mâts rompus, des chaloupes brisées et, à ce qu’il semblait, des cadavres. À un certain moment, tout l’intérêt de la foule se porta vers un débris flottant, bouée ou panier, qui soutenait sans doute un naufragé.

L’horizon demeurait désert, aucune voile n’apparaissait.

Vers le soir, un catimaron reparut chargé d’hommes. Les prisonniers en comptèrent huit se profilant sur les clartés du couchant. Le noir qui dirigeait le radeau les amena, non sans peine, jusqu’au rivage, où ils furent entourés et enlevés par les assistants.

— Ils sont sauvés au moins ceux-ci ! s’écria Bury qui, ainsi que ses compagnons, suivait toutes ces scènes avec la plus vive émotion.

— Ils vont donner quelques nouvelles des autres, dit de La Touche ; c’est vraiment cruel de nous laisser ainsi ignorer le sort de nos frères !

Ils continuèrent à regarder jusqu’à fatiguer leurs yeux, mais la nuit vint, tout se brouilla, et ils ne virent plus que des lumières courant ou stationnant le long de la dernière lame, dont les blanches cascades d’écume restèrent longtemps visibles.

Lorsqu’il ne fut plus possible de rien découvrir, Paradis ne put maîtriser un accès d’indignation, il se