Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/93

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occupe tout un panneau. Dans un autre corps de logis sont les écuries et les communs.

Le marquis de Bussy a fixé sa résidence dans cette maison, installée par une famille de commerçants français, qui était venue chercher fortune aux Indes. Mais il ne reste de cette famille qu’une jeune fille : Marion, orpheline, qui, pour vivre, loue la maison, son seul héritage, à de nobles officiers, et tient, au besoin, leur ménage, en qualité de gouvernante.

Marion, la gracieuse orpheline aux doux yeux couleur de myosotis ; Naïk, qui, vêtu maintenant d’une longue chemise blanche serrée à la taille par une ceinture rouge, coiffé d’un léger turban de mousseline, des anneaux d’argent à ses bras nus, et au cou un grand collier en graines de vanda, a fort bon air ; deux soldats, et quelques noirs, pour la cuisine et l’écurie, tels sont les serviteurs qui composent la maison du jeune capitaine, obligé à de grandes épargnes, en attendant la réalisation des espérances, fondées sur l’avenir, et qui sont tout son avoir.

Quelques jours après son arrivée à Pondichéry, il attendait le chevalier de Kerjean qui devait venir le prendre pour le présenter à Dupleix. Il était agité, un peu ému. Accoudé à la galerie du premier étage, il songeait à la France, quittée pour toujours peut-être, et il revoyait sa bonne mère, là-bas, au fond du Soissonnais. Ah ! si elle venait vraiment cette fortune qu’il ambitionnait, quelle joie il aurait à lui rendre, à la chère marquise, le luxe de son rang, à lui faire, après une triste jeunesse, une vieillesse heureuse ! Pour réussir, il fallait avant tout tâcher de plaire