Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/94

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au gouverneur de l’Inde, lui inspirer confiance, être guidé par lui. Qu’était-ce, en somme, ce Dupleix ? Dans le principe, un simple marchand ; un employé de la compagnie, aux émoluments les plus modestes ; et pourtant, en peu d’années, il avait fait non seulement sa fortune, mais celle de cette compagnie qui était sur le point de périr lorsqu’il était venu dans l’Inde. Maintenant c’était presque un roi : il avait reçu des lettres de noblesse, avec la croix de Saint-Louis, et sa renommée grandissait. Il est vrai qu’il avait du génie, qu’il avait fait des merveilles et que plus d’une fois, abandonné de tous, il était parvenu à sauver la colonie. Mais lui aussi se sentait capable de grandes choses si l’occasion de les accomplir se présentait. Oui, être remarqué par Dupleix, c’était là le premier pas vers la fortune.

— En grande tenue, c’est parfait, s’écria Kerjean qui venait d’arriver : mon oncle est sévère sur l’étiquette, j’avais oublié de vous en prévenir.

Et il admirait, avec une pointe d’envie, l’élégance et la grâce de son compagnon, dans son habit bleu de roi agrémenté d’or, entr’ouvert sur le gilet et la culotte rouge. Il admirait la main blanche et féminine, et la jambe bien faite dont le bas de soie satinait les rondeurs.

— Vous êtes superbe, dit-il avec un soupir, vous allez nous enlever le cœur de toutes nos belles.

— Ne raillez pas, dit Bussy, je me trouve horrible dans cet habit militaire dont les couleurs hurlent d’être ensemble.

— Si l’habit est imparfait, il est certain que vous