Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/99

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droit, la bouche fine et sérieuse, le bas du visage large et ferme, signe d’une indomptable volonté. Ses yeux noirs, grands, très doux d’ordinaire, dardaient par moments un regard d’un éclat et d’une pénétration extraordinaires, une flamme difficile à soutenir.

Ce fut un regard semblable que, tout d’abord, il attacha, en silence, sur de Bussy, comme s’il eût voulu le voir jusqu’à l’âme ; et il y avait dans ce regard une anxiété et un espoir, quelque chose qui semblait dire : « Peut-être celui-ci est-il l’homme que je cherche. »

Malgré son émotion, Bussy ne baissa pas les yeux ; sans orgueil, mais sans faiblesse, il soutint cet interrogatoire muet et laissa lire dans le bleu sombre de ses prunelles. Mais Dupleix adoucit vite l’expression de ses yeux, et, rompant ce silence qui pouvait paraître blessant, il s’avança avec un sourire affable.

— Capitaine, dit-il, c’est une véritable joie pour moi de vous voir ici ; je n’ai entendu de vous que des éloges, et je dois même vous présenter des excuses : si nous ne demandons pas pour vous la croix de Saint-Louis, c’est qu’il y a d’autres officiers qui ont plus d’années, s’ils ont moins de mérite, et il faut avoir quelque égard pour l’ancienneté.

— Monsieur, dit Bussy en s’inclinant, votre approbation me sera toujours plus précieuse que toutes les croix du monde.

Dupleix interrogea amicalement le jeune officier sur sa position, sur ses états de service et sur ses projets. Il l’écoutait avec attention et intérêt.

— Pourriez-vous, sans répugnance, vous établir