Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/12

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m’annoncer que Nagato a été tué dans une querelle futile. Qu’as-tu fais encore, imprudent incorrigible ?

— Lorsque le régent Hiéyas sera en ta présence, tu ne le sauras que trop, dit le prince ; tu vas apprendre de belles choses, ô illustre ami, sur le compte de ton indigne favori. Il me semble entendre vibrer déjà la voix terrible de cet homme à qui rien n’est caché : Fidé-Yori, chef du Japon, fils du grand Taïko-Sama, dont je vénère la mémoire, de graves désordres ont troublé cette nuit Osaka ! …

Le prince de Nagato contrefaisait si bien la voix de Hiéyas que le jeune siogoun ne put s’empêcher de sourire.

— Et quels sont ces désordres ? diras-tu. — Portes enfoncées, coups, tumultes, scandales. — Connaît-on les auteurs de ces méfaits ? — Celui qui conduit les autres est le seul coupable et je connais ce coupable. — Qui est-ce ? — Qui ! sinon celui que l’on trouve dans toutes les aventures, dans toutes les batailles nocturnes ; qui, sinon le prince de Nagato, la terreur des honnêtes familles, l’épouvante des gens paisibles ? Et comme tu me pardonneras, ô trop clément, Hiéyas te reprochera ta faiblesse, en la faisant sonner bien haut, afin que cette faiblesse nuise au siogoun et profite au régent.

— Mais si je me courrouçais enfin de ta conduite, Nagato, dit le siogoun, si je t’envoyais passer un an dans ta province ?

— J’irais, maître, sans murmurer.

— Oui, et qui m’aimerait ici ? dit tristement Fidé-Yori. Je vois autour de moi de grands dévouements, mais pas une affection comme la tienne mais peut-être suis-je injuste, ajouta-t-il, tu es le seul que j’aime,