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le collier des jours

con, deux belles fleurs très rares, qui venaient d’éclore sur une plante grasse.

Dès qu’on eut le dos tourné, j’arrachai les belles fleurs et je les pétris dans mes mains jusqu’à les réduire en une bouillie affreuse que je jetais par terre.

Quand on s’aperçut du massacre, la belle voix de contralto eut des éclats terribles, et la visite fut abrégée.

Un autre jour, on voulut m’essayer une robe ; mais je ne voulais pas de la robe, et j’étais bien décidée à ne rien essayer.

On employa tous les moyens pour me faire céder : promesses, supplications, menaces ; rien ne put vaincre mon obstination.

À la fin ma mère, exaspérée, s’écria :

— Nourrice, emportez-la ou je vais la tuer !

— La tuer !

Avec quel tremblement se firent les préparatifs du départ ! Quelle hâte dans l’escalier glissant ! Et dehors, elle m’entraînait si vite, que nous avions l’air de fuir et d’être poursuivies.

Pauvre nounou elle dut s’arrêter bientôt pour pleurer. Elle avait eu trop peur, aussi, pendant toute cette scène où j’avais été si méchante, et où je ne l’écoutais même plus, Elle. Pourquoi me montrer si vilaine, quand j’étais, au contraire, si gentille, quand je voulais ?…