Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
le collier des jours

que toute caresse ! Quel vilain enfant !… Quel caractère !… On plaignait la nourrice d’être obligée de supporter un pareil démon. Vraiment, le petit monstre, du jour initial, tenait bien ses promesses !…

Alors, on me laissait errer, dans l’appartement, sans plus s’occuper de moi.

J’avais vite disparu du rayon où on pouvait me surveiller, et j’inspectais tout ce qui était à ma portée ; je furetais dans les bas d’armoire, choisissant, sans aucun scrupule, les objets les plus disparates et j’allais les tasser dans le panier, où ma nourrice emportait les petites affaires à moi.

Je volais pour Elle ! avec quelle fierté ! quelle tranquillité de conscience… Précoce anarchiste, je rétablissais l’équilibre, je travaillais pour la justice !…

Malheureusement, avant de partir, la chérie me reniait : elle vidait le panier, rendait tout. À chaque nouvelle visite, je recommençais, et j’avais toujours la même déception poignante, en voyant mon œuvre détruite. Tout le long du retour je lui faisais des reproches.

Quelquefois une méchanceté noire, que j’imagine, souligne d’un trait plus vif le souvenir :

Ma mère nous montra un jour sur son bal-