Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/169

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son pavillon, couverte de mes habits aux couleurs brillantes, parée de mes plus fins joyaux, parfumée d’essences et de fleurs, montée sur mon char peint et doré que surmonte une ombrelle, entourée comme une reine d’un cortège de serviteurs, remarquera-t-il davantage la pauvre jeune fille suppliante accueillie par pitié et couverte d’étoffes communes ?

« Ce que mon luxe n’a pu faire, ma misère le fera-t-elle ? Peut-être, après tout, suis-je laide, et Nofré est-elle une flatteuse lorsqu’elle prétend que, de la source inconnue du Nil jusqu’à l’endroit où il se jette dans la mer, il n’y a pas de plus belle fille que sa maîtresse… Non, je suis belle : les yeux ardents des hommes me l’ont dit mille fois, et surtout les airs dépités et les petites moues dédaigneuses des femmes qui passaient près de moi. Poëri, qui m’a inspiré une si folle passion, m’aimera-t-il jamais ? Il eût reçu tout aussi bien une vieille femme au front coupé de rides, à la poitrine décharnée, empaquetée de hideux haillons et les pieds gris de poussière. Tout autre que lui aurait reconnu à l’instant, sous le déguisement d’Hora, Tahoser, la fille du grand prêtre Pétamounoph ; mais il n’a jamais abaissé son regard sur moi, pas plus que la statue d’un dieu