Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/168

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il avait disparu par la porte des champs, qu’elle le regardait encore.

Un serviteur, d’après l’ordre donné en passant par Poëri, apporta sur un plateau une cuisse d’oie, des oignons cuits sous la cendre, un pain de froment et des figues, ainsi qu’un vase d’eau bouché par des feuilles de myrte.

« Voici ce que le maître t’envoie ; mange, jeune fille, et reprends des forces. »

Tahoser n’avait pas grand’faim, mais il était dans son rôle de montrer de l’appétit : les malheureux doivent se jeter sur les mets que la pitié leur présente. Elle mangea donc et but un long trait d’eau fraîche.

Le serviteur s’étant éloigné, elle reprit sa pose contemplative. Mille pensées contraires roulaient dans sa jeune tête : tantôt, avec sa pudeur de vierge, elle se repentait de sa démarche ; tantôt, avec sa passion d’amoureuse, elle s’applaudissait de son audace. Puis elle se disait : « Me voilà, il est vrai, sous le toit de Poëri, je le verrai librement, tous les jours ; je m’enivrerai silencieusement de sa beauté, qui est d’un dieu plus que d’un homme ; j’entendrai sa voix charmante, pareille à une musique de l’âme : mais lui, qui n’a jamais fait attention à moi lorsque je passais sous