Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/173

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aïeux transmis de génération en génération, où revenait toujours une même phrase d’une monotonie pénétrante et douce.

« En effet, dit Poëri, en tournant ses prunelles d’un bleu sombre vers la jeune fille, tu ne m’avais pas trompé. Tu connais les rhythmes comme une musicienne de profession, et tu pourrais exercer ton art dans le palais des rois. Mais tu donnes à ton chant une expression nouvelle. Cet air que tu récites, on dirait que tu l’inventes, et tu lui prêtes un charme magique. Ta physionomie n’est plus ce qu’elle était ce matin ; une autre femme semble apparaître à travers toi comme une lumière derrière un voile. Qui es-tu ?

— Je suis Hora, répondit Tahoser ; ne t’ai-je pas déjà raconté mon histoire ? Seulement j’ai essuyé de mon visage la poussière de la route, rajusté les plis de ma robe fripée, et mis un brin de fleur dans mes cheveux. Si je suis pauvre, ce n’est pas une raison pour être laide, et les dieux parfois refusent la beauté aux riches. Mais te plaît-il que je continue ?

— Oui ! répète cet air qui me fascine, m’engourdit et m’ôte la mémoire comme ferait une coupe de népenthès ; répète-le, jusqu’à ce que le