Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/235

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— Je l’ignore comme toi, répondit Ra’hel.

— Si c’était une espionne de nos maîtres ? dit la vieille, dont les yeux fauves s’allumèrent d’un éclair de haine. De grandes choses se préparent ; qui sait si l’éveil n’a pas été donné ?

— Comment cette jeune fille malade pourrait-elle nous nuire ? elle est entre nos mains, faible, isolée et gisante : nous pouvons d’ailleurs, à la moindre apparence suspecte, la retenir prisonnière jusqu’au jour de la délivrance.

— En tout cas, il faut s’en défier ; regarde comme ses mains sont délicates et douces. »

Et la vieille Thamar souleva un des bras de Tahoser endormie.

« En quoi la finesse de sa peau peut-elle nous mettre en danger ?

— Ô jeunesse imprudente ! dit Thamar ; ô jeunesse folle, qui ne sait rien voir, et qui marche dans la vie pleine de confiance, sans croire aux embûches, à la ronce cachée sous l’herbe, au charbon couvert de cendres et qui caresserait volontiers la vipère, prétendant que ce n’est qu’une couleuvre ! Comprends donc, Ra’hel, et dessille tes yeux. Cette femme n’appartient pas à la classe dont elle semble faire partie ; son pouce ne s’est pas aplati sur le fil du fuseau ! et cette petite