Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/240

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— Je vais te les expliquer, dit en souriant Ra’hel, quoique je ne sois qu’une pauvre ignorante et qu’on te compare pour la science à ces prêtres d’Égypte qui étudient nuit et jour au fond de sanctuaires chamarrés d’hiéroglyphes mystérieux, dont eux seuls pénètrent les sens profonds ; mais quelquefois les hommes, si occupés de l’astronomie, de la musique et des nombres, ne devinent pas ce qui se passe dans le cœur des jeunes filles. Ils voient au ciel une étoile lointaine et ne remarquent pas un amour tout près d’eux : Hora, ou plutôt Tahoser, car c’est elle, a pris ce déguisement pour s’introduire dans ta maison, pour vivre près de toi ; jalouse, elle s’est glissée dans l’ombre derrière tes pas ; au risque d’être dévorée par les crocodiles du fleuve, elle a traversé le Nil ; arrivée ici, elle nous a épiés par quelque fente de la muraille et n’a pu supporter le spectacle de notre bonheur. Elle t’aime parce que tu es très beau, très fort et très doux ; mais cela m’est bien égal, puisque tu ne l’aimes pas. As-tu compris, maintenant ? »

Une légère rougeur monta aux joues de Poëri ; il craignait que Ra’hel ne fût irritée et ne parlât ainsi pour lui tendre un piège ; mais le regard de Ra’hel, lumineux et pur, ne trahissait aucune