Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/244

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Elle resta ainsi, la tête cachée dans le sein de Ra’hel, lui mouillant en silence la poitrine de larmes tièdes.

Quelquefois un sanglot qu’elle ne pouvait réprimer la faisait convulsivement tressaillir, et la secouait sur le cœur de sa rivale ; cet abandon entier, cette désolation franche touchèrent Ra’hel, Tahoser s’avouait vaincue, et implorait sa pitié par des supplications muettes, faisant appel aux générosités de la femme.

Ra’hel, émue, l’embrassa et lui dit : « Sèche tes pleurs et ne te désole pas de la sorte. Tu aimes Poëri ; eh bien ! aime-le : je ne serai pas jalouse. Yacoub, un patriarche de notre race, eut deux femmes : l’une s’appelait Ra’hel comme moi, et l’autre Lia ; Yacoub préférait Ra’hel, et cependant Lia, qui n’avait pas ta beauté, vécut heureuse près de lui. »

Tahoser s’agenouilla aux pieds de Ra’hel et lui baisa la main ; Ra’hel la releva et lui entoura amicalement le corps d’un de ses bras.

C’était un groupe charmant que celui formé par ces deux femmes de races différentes dont elles résumaient la beauté. Tahoser, élégante, gracieuse et fine comme une enfant grandie trop