Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/269

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dont je ne saurais me passer, et qui avait le pouvoir de me rendre malheureux. J’étais un roi, presque un dieu ; ô Tahoser ! tu as fait de moi un homme ! »

Jamais peut-être Pharaon n’avait prononcé un si long discours. Habituellement un mot, un geste, un clignement d’œil lui suffisaient pour manifester sa volonté, aussitôt devinée par mille regards attentifs, inquiets. L’exécution suivait sa pensée comme l’éclair suit la foudre. Pour Tahoser, il semblait avoir renoncé à sa majesté granitique ; il parlait, il s’expliquait comme un mortel.

Tahoser était en proie à un trouble singulier. Quoiqu’elle fût sensible à l’honneur d’avoir inspiré de l’amour au préféré de Phré, au favori d’Ammon-Ra, au conculcateur des peuples, à l’être effrayant, solennel et superbe, vers qui elle osait à peine lever les yeux, elle n’éprouvait pour lui aucune sympathie, et l’idée de lui appartenir lui inspirait une épouvante répulsive. À ce Pharaon qui avait enlevé son corps, elle ne pouvait donner son âme restée avec Poëri et Ra’hel, et, comme le roi paraissait attendre une réponse, elle dit :

« Comment se fait-il, ô roi, que, parmi toutes