Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/62

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nèbre à masque doré, se tenant debout comme un spectre matériel, et reprenant une fausse attitude de vie, après avoir gardé si longtemps la pose horizontale de la mort sur un lit de basalte, au cœur d’une montagne éventrée par une curiosité impie. L’âme de la défunte, qui comptait sur l’éternel repos, et qui avait pris tant de soins pour préserver sa dépouille de toute violation, dut s’en émouvoir, au-delà des mondes, dans le cercle de ses voyages et de ses métamorphoses.

Rumphius, armé d’un ciseau et d’un marteau pour séparer en deux le cartonnage de la momie, avait l’air d’un de ces génies funèbres coiffés d’un masque bestial, qu’on voit dans les peintures des hypogées s’empresser autour des morts pour accomplir quelque rite effrayant et mystérieux ; Lord Evandale, attentif et calme, ressemblait avec son pur profil au divin Osiris attendant l’âme pour la juger, et, si l’on veut pousser la comparaison plus loin, son stick rappelait le sceptre que tient le dieu.

L’opération terminée, ce qui prit assez de temps, car le docteur ne voulait pas écailler les dorures, la boîte reposée à terre se sépara en deux comme un moule qu’on ouvre, et la momie apparut dans tout l’éclat de sa toilette funèbre,