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le second rang du collier



Quelle surprise, un matin d’hiver, d’entendre le père, toujours levé le premier, pousser des exclamations et nous appeler à grands cris :

— Venez ! Venez vite ! Venez voir si j’ai la berlue : il n’y a plus de jardin, il est remplacé par un lac !

— Un lac ?…

C’était exact : notre jardin et celui du propriétaire étaient complètement submergés ; l’eau venait baigner la première marche des escaliers de la terrasse et engloutissait les buissons ; les squelettes d’arbres émergeaient plus ou moins, selon la distance et la pente du terrain ; on ne voyait que le toit treillage de la tonnelle, et, plus loin, derrière elle, la potence où l’on suspendait la balançoire avait disparu.

La Seine, grossie par des pluies continuelles, avait débordé sur ses berges, en même temps que par des infiltrations elle envahissait sournoisement tous les jardins du voisinage.

Nous restions ébahis de voir le ciel se refléter là où, la veille, s’étendait des pelouses. Après tout, c’était plutôt amusant et nous ne risquions rien, vu la hauteur de la terrasse qui portait notre maison. Nous parlions de nous procurer un bateau pour naviguer sur ce lac.