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le second rang du collier

nargues, dont il m’a donné une charmante édition reliée. Je crois bien que je l’ai lu ! Je sais même par cœur nombre de ses pensées et je les cite, en les appliquant aux circonstances, avec beaucoup d’à-propos. Par exemple, si l’on me raille sur la véhémence de mes enthousiasmes, je réponds :

« C’est un grand signe de médiocrité que de louer tout modérément. »

Ou, quand je crois ne pas devoir obéir :

« Les conseils des vieillards sont comme le soleil d’hiver : ils éclairent sans réchauffer. »

— Est-elle mauvaise ! dit Dumas en riant.

Et il nous fait de la morale, comme cela lui arrive quelquefois.

Dans les premiers temps de notre connaissance, il nous inspirait une certaine crainte : sa brusquerie, son esprit mordant nous intimidaient ; les histoires qu’il rapportait nous paraissaient terribles ; les mots cruels dont il avait cinglé ceux — et aussi celles — qui l’attaquaient étaient d’une suprême insolence. Un entre autres, nous avaient frappées. Une orgueilleuse personne lui ayant demandé, non sans dédain, où il avait étudié les femmes du monde :

« — Chez moi, madame, » avait-il répondu.

Mais, entre les piquants de sa malice, sa grande bonté s’était vite laissée voir, et nous étions devenus très amis.

La morale qu’il nous faisait était assez originale.