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LE CAPITAINE FRACASSE.

ces guenilles dramatiques qu’ils aidaient à ranger sous le hangar, les plaçant d’après les ordres du Tyran, régisseur de la troupe ; ils se trouvaient un peu dégradés de servir des histrions, mais le marquis avait parlé ; il fallait obéir, car il n’était point tendre à l’endroit des rébellions, et il se montrait d’une générosité asiatique en fait d’étrivières.

D’un air aussi respectueux que s’il eût eu affaire à des rois et princesses véritables, l’intendant vint, la barrette à la main, prendre les comédiens et les conduire à leurs logements respectifs. Dans l’aile gauche du château se trouvaient les appartements et chambres destinés aux visiteurs de Bruyères. Pour y parvenir, on montait de beaux escaliers aux marches de pierre blanche poncée avec paliers et repos bien ménagés ; on suivait de longs corridors dallés en quadrillage blanc et noir, éclairés d’une fenêtre à chaque bout sur lesquels s’ouvraient les portes des chambres désignées d’après la couleur de leur tenture que répétaient les rideaux de la portière extérieure pour que chaque hôte pût aisément reconnaître son gîte. Il y avait la chambre jaune, la chambre rouge, la chambre verte, la chambre bleue, la chambre grise, la chambre tannée, la chambre de tapisserie, la chambre de cuir de Bohême, la chambre boisée, la chambre à fresques et telles autres appellations analogues qu’il vous plaira d’imaginer, car une énumération plus longue serait par trop fastidieuse et sentirait plutôt son tapissier que son écrivain.

Toutes ces chambres étaient meublées fort propre-