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CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS.

ment et garnies non seulement du nécessaire, mais encore de l’agréable. À la soubrette Zerbine échut la chambre de tapisserie, une des plus galantes pour les amours et mythologies voluptueuses dont la haute lice était historiée ; Isabelle eut la chambre bleue, cette couleur seyant aux blondes ; la rouge fut pour Sérafine, et la tannée reçut la duègne, comme assortie à l’âge de la compagnonne par la sévérité refrognée de la nuance. Sigognac fut installé dans la chambre tendue en cuir de Bohême non loin de la porte d’Isabelle, attention délicate du marquis ; ce logis assez magnifique ne se donnait qu’aux hôtes d’importance, et le châtelain de Bruyères tenait à traiter particulièrement parmi ces baladins un homme de naissance, et à lui prouver qu’il en faisait estime, tout en respectant le mystère de son incognito. Le reste de la troupe, le Tyran, le Pédant, le Scapin, le Matamore et le Léandre, furent distribués dans les autres logis.

Sigognac mis en possession de son gîte où l’on avait déposé son mince bagage, tout en réfléchissant à la bizarrerie de sa situation, regardait d’un œil surpris, car jamais il ne s’était trouvé en pareille fête, l’appartement qu’il devait occuper pendant son séjour au château. Les murailles, comme le nom de la chambre l’indiquait, étaient tapissées de cuir de Bohême gaufré de fleurs chimériques et de ramages extravagants découpant sur un fond de vernis d’or leurs corolles, rinceaux et feuilles enluminées de couleurs à reflets métalliques luisant comme du paillon. Cela formait une tenture aussi riche que propre descendant de la