Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/108

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La porte de la maison déserte s’ouvrit comme par enchantement, et la troupe s’engagea dans le couloir sombre, suivie de sir Arthur Sidney.

Quand l’on se fut assez enfoncé dans l’étroit boyau pour que le jour venant de la rue fût complétement éteint, Saunders fit cette judicieuse réflexion qu’il n’était pas nécessaire d’étouffer ce gentleman, et arracha avec beaucoup de dextérité le masque de poix qui couvrait la figure de Benedict.

Celui-ci commençait à perdre connaissance, et les soubresauts furieux qu’il faisait pour se débarrasser avaient sensiblement molli. Une angoisse inexprimable lui serrait la poitrine. Ses tempes sifflaient, sa gorge se gonflait pour une aspiration impossible, les oreilles lui tintaient avec violence, et ses yeux aveuglés voyaient tourbillonner de folles lueurs bleues, vertes et rouges.

Certes, l’air de ce couloir sombre, fétide et glacial, eût, en toute autre circonstance, soulevé le cœur de Benedict ; mais jamais brise alpestre, vierge de toute haleine humaine et chargée de tous les baumes des solitudes fleuries, ne fut respirée à plus larges narines, à poumons plus avides que cette atmosphère presque méphytique.

Cette gorgée d’air corrompu, c’était la vie que buvait Benedict. Son immense bien-être se traduisit par un soupir profond, et un : Ah ! mon Dieu ! prolongé.

— Il parait, dit Noll en lui-même, que le particulier commençait à éprouver le besoin de mettre le nez à la fenêtre, et quoique Bob prétende que rien n’est meilleur qu’une lampée de brandy,