Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/110

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égratignés en blanc, les légendes obscènes, énigmatiques ou menaçantes, dansaient une sarabande sinistre aux reflets intermittents de la cheminée.

L’élégance même du costume de Benedict rendait encore le contraste plus frappant. Ce gant blanc si parfumé, si frais, appuyé sur cette table de bois grossier, rayée de coups de couteaux et luisante de graisse, faisait l’effet le plus pénible ; un homme comme Benedict ne pouvait se trouver dans un pareil endroit que par une combinaison monstrueuse et scélérate.

Un peu revenu de l’étourdissement d’un coup si soudain, Benedict se demanda quel but pouvait avoir cette étrange séquestration. Sir Arthur Sidney avait-il voulu le livrer à des malfaiteurs, à des assassins peut-être ? Était-ce une manière originale de le punir de ne pas avoir attendu son arrivée ; avait-il provoqué cet enlèvement, ou bien, spectateur impuissant, était-il allé chercher du secours pour une lutte inégale ? — Il errait ainsi de conjectures en conjectures, sans pouvoir se fixer. Puis il pensait avec désespoir aux inquiétudes mortelles, aux transes affreuses de miss Amabel, lorsqu’elle ne reverrait pas revenir celui qu’elle avait choisi pour époux, et dont rien ne pourrait expliquer la disparition. Cette idée le transportait de fureur ; il maudissait Sidney et tournait autour de la chambre avec l’obstination machinale d’une bête fauve qui cherche une issue.

À plusieurs reprises, il essaya d’ébranler la porte, mais elle tenait solidement sur ses vieux