Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/111

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gonds rouillés, et les coups les plus rudes de Benedict s’amortissaient sur ses planches épaisses.

La fenêtre, d’une hauteur inaccessible, était en outre grillée de barreaux plats taillés en scie, et tellement serrés, qu’un sylphe n’aurait pu se glisser par l’interstice sans se déchirer les ailes.

Dans l’espoir d’être entendu de quelques-unes des maisons du voisinage, dont les toits découpés en angles bizarres apparaissaient vaguement dans le carreau supérieur, sir Benedict Arundell se mit à pousser des cris de toute la force de ses poumons ; pour lancer des sons plus loin, il essaya d’imiter les portements de voix des marins qui ont besoin de dominer la tempête, et des montagnards qui s’appellent du bord d’un abîme à l’autre, séparés par un torrent.

Mais la chambre était sourde comme si elle eût été matelassée. La voix de Benedict n’éveillait aucun écho, et lui revenait dans la gorge, comme sur ces hautes cimes où l’air raréfié ôte leur vibration aux paroles.

Exaspéré, Benedict passa du cri au hurlement, tant qu’une écume sanglante vint mousser aux commissures de ses lèvres ; puis, honteux de ces forceneries inutiles, il se laissa retomber de fatigue sur le banc.

Le charbon, presqu’entièrement consumé, ne lançait plus que de rares lueurs. Une petite flamme violette courait, près de s’envoler, sur les monceaux de cendres ; la nuit tombée avait rendu la fenêtre opaque, et des ombres formidables s’entassaient dans les coins de la chambre, où l’œil de la