Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/122

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voir écarter un soupçon qui pesait douloureusement sur son âme ; mais comment se fait-il qu’étant si près de moi, il ne m’ait pas porté secours et n’ait pas crié à l’aide ? reprit aussitôt le doute.

— Quel motif vous a poussé à cette action violente, continua Arundell, et qui pourrait être sévèrement punie, si elle parvenait à la connaissance des magistrats ?

— J’ai suivi les ordres de ceux à qui je suis convenu d’obéir, et quant à la justice…

Ici Saunders fit un mouvement d’épaules significatif, qui indiquait un esprit des plus sceptiques à l’endroit de la perspicacité des policemen.

— Et ces gens à qui vous obéissez dans ces entreprises hasardeuses, quels sont-ils ?

— Je vous dirais leurs noms qu’ils ne vous apprendraient rien ; aucun rapport n’a jamais existé entre eux et vous.

— Et mais savez-vous qui je suis ?

— Non, je ne sais ni vos noms, ni vos titres. Je vois seulement à votre physionomie noble, à vos petites mains, à la finesse du drap de vos habits et de votre linge, que vous appartenez à la haute vie.

— Si vous m’ouvriez cette porte et me reconduisiez dans la rue, je suis assez riche, fit Arundell, pour vous assurer une petite fortune qui vous permettrait de vivre à votre manière dans le pays qui vous plairait le mieux.

À cette proposition, les joues hâlées de Saunders se couvrirent d’un rouge de brique, et le bleu de mer de ses yeux pâles étincela dans son masque