Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/135

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ble pour lui. Que voulait-on faire de sa personne ? l’emmener dans une région lointaine, le retenir en otage pour obtenir une rançon de ses parents et de ses amis ? Aurait-il été la victime à Londres d’une de ces troupes de trabucaires qui emmènent leurs prisonniers dans la montagne, sauf à envoyer à la ville une oreille du captif en manière de sommation ?

— Et la femme, qu’en allons-nous faire ? dit Saunders qui était resté étendu dans le canot, après avoir confié sir Benedict Arundell aux soins de Jack et de Mack-Gill, à l’homme au manteau, toujours assis près de la poupe. La rejeter à l’eau après l’avoir sauvée, ce serait dur.

— Qu’on la monte là-haut, répondit brièvement l’homme embossé dans sa cape.

Edith avait écouté ce dialogue, où sa vie s’agitait comme si la question ne l’eût pas regardée ; elle tremblait convulsivement, et les bourdonnements de la folie passaient dans sa tête traversée d’éblouissements fébriles ; elle se laissa prendre et emporter comme un enfant malade par sa nourrice.

Saunders, habitué à de plus lourds fardeaux, gravit l’échelle vacillante avec la légèreté d’un chat, et eut bientôt déposé sur le pont miss Edith, qu’il adossa contre le mât, car elle se soutenait à peine, et ses membres inertes, n’étant plus guidés par aucune volonté, flottaient comme au hasard. L’homme au manteau ordonna à Saunders de la conduire sous l’entrepont, dans un endroit d’où elle ne pût rien voir et où elle ne pût pas être vue.