Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/171

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deux mots à l’oreille ; le domestique rentra dans la maison, et bientôt reparut suivi de deux compagnons à teint olivâtre et à figure bizarre, qui prirent Volmerange et l’emportèrent dans un pavillon de forme ronde, formant au coin du corps de logis une de ces tourelles assez fréquentes dans l’architecture anglaise.

Le cocher, largement payé, s’en alla, trouvant l’aventure toute simple : il avait dans la nuit reporté chez eux ou ailleurs quatre ducs ou marquis dans un état pour le moins aussi problématique que celui de Volmerange.

Comme ayant achevé sa mission, l’homme au flacon se retira aussi, après avoir écrit sur un carré de papier qu’il déchira de son portefeuille quelques mots moitié en chiffres, moitié en caractères d’une langue inconnue, qu’il remit au domestique qui était venu ouvrir.

La maison dans laquelle on avait apporté Volmerange avait un aspect d’élégance et de richesse qui excluait toute idée de vol et de guet-apens. Une véranda blanche et rose jetait son ombre découpée sur un perron de marbre blanc ; des glaces sans tain, et d’une seule pièce, posées au dessus des cheminées, laissaient transparaître d’énormes vases de la Chine remplis de fleurs. La cage de cristal d’une serre immense dans laquelle le salon paraissait se continuer, tenait sous cloche une vraie forêt vierge ; les lataniers, les bambous, les tulipiers, les jamroses, les lianes, les passiflores, les pamplemousses, les raquettes s’y épanouissaient avec une violence toute tropicale, brandissant les dards, les coutelas, les griffes de leurs